La pratique de l’évaluation : Une activité majeure de l’enseignant-chercheur
(Atelier d’évaluation – AIMS 2009 – Grenoble)
Animateur :
Benoît Demil et Sandra Charreire
L’activité d’enseignant – chercheur implique en permanence la pratique de l’évaluation. Cette évaluation est consubstantielle à un grand nombre de situations dans lesquelles un jugement explicite est attendu : évaluation d’articles pour des conférences ou des revues ; évaluation de travaux d’étudiants pendant un cours ; évaluation d’individus qu’ils soient étudiants ou doctorants lors des recrutements ; d’un travail de thèse, que l’on soit rapporteur ou non ; notation de copies pour sanctionner un cours. Dans ces situations, la pratique de l’évaluation intervient dans des « épreuves » clairement énoncées et le rôle de l’évaluateur est d’émettre un jugement explicite sous forme de rapport, de note ou de fiche de lecture. Si chacun, individuellement, additionnait ces temps d’évaluation, il constaterait probablement qu’au moins un dixième de son temps de travail est absorbé par ce type de pratiques. Avec l’âge et les responsabilités prises, il est probable que cette proportion tende en plus à augmenter significativement.
Malgré son importance dans le temps de travail concret de l’enseignant-chercheur et pour la communauté entière dans laquelle il s’inscrit (le système d’évaluation par ses pairs étant à la base de la publication des travaux scientifiques), l’évaluation reste une pratique qui fait figure de parent pauvre de nos métiers. Tout d’abord, elle est généralement peu valorisée à la différence de ses autres activités. Les enseignements sont éventuellement sanctionnés par les étudiants à l’issue d’un cours ou en tout cas, l’enseignant peut recevoir directement une gratification morale liée à son cours. L’activité de recherche est également valorisée à travers la publication qui représente une sanction positive portée sur ses travaux. Comparativement, mener une évaluation n’apparaît pas ou peu dans l’enrichissement du « CV » d’un chercheur ou est reconnue marginalement. Dans certaines conférences un prix du meilleur évaluateur peut à l’occasion être décerné et une évaluation de recherche peut être publiée dans une note de lecture sur un livre. Mis à part ces quelques cas, l’environnement dans lequel nous évoluons n’attribue cependant que peu de valeur à l’évaluation. Un autre paradoxe est que la pratique de l’évaluation n’est pas transmise et fait l’objet de peu de débats dans nos communautés. Certes, l’enseignement s’apprend en partie de façon tacite ainsi que la recherche mais ces activités font l’objet de beaucoup plus de discussions entre les enseignants-chercheurs que la pratique de l’évaluation. Enfin, contrepartie quasiment logique de la faible valorisation de cette activité, le contrôle exercé sur l’évaluation est faible à la différence des autres activités de l’enseignant-chercheur pour lesquelles un contrôle plus ou moins explicite existe au travers des retours des revues ou des étudiants. Il est probable qu’un éditeur ou une association scientifique fasse progressivement le tri parmi ses évaluateurs mais « l’évaluation de l’évaluation » est absente de nos pratiques et se trouve seulement sanctionnée à l’occasion par une mise à l’écart d’une liste d’évaluateurs.
La conséquence principale d’un tel système est qu’à la différence de ses autres activités, la pratique de l’évaluation d’un individu a peu de chances d’évoluer. Sans retour sur sa pratique comment envisager une amélioration de ses façons de faire ? De plus, les incitations à améliorer ses évaluations sont faibles. Sans valorisation particulière d’une pratique fortement consommatrice de temps et au-delà des sources de motivation intrinsèques, comment assurer un certain niveau de qualité des évaluations produites ? A ce titre, chacun aura probablement déjà eu l’expérience d’une évaluation décevante de quelques lignes. La frustration étant portée à son comble quand un travail nécessitant un investissement important se voit rejeter d’une phrase.
Dire que rien n’est fait dans nos communautés pour améliorer ces pratiques serait néanmoins exagéré. On pourrait tout d’abord rappeler haut et fort les bénéfices personnels qu’un chercheur peut retirer de l’évaluation. Elle peut permettre par exemple d’élargir ses propres connaissances sur des sujets plus ou moins maîtrisés, des secteurs économiques peu connus ou réfléchir à des éclairages et des articulations nouveaux auxquels on n’avait pas pensé. Sur ce point, les activités de recherche et d’évaluation ne sont pas à séparer clairement. Elle peut également permettre un véritable échange scientifique et éventuellement procurer le sentiment du « devoir accompli ». Plusieurs mécanismes dans nos systèmes participent également à corriger les constats négatifs précédents. Certaines revues ou conférences pratiquent par exemple l’envoi systématique des évaluations menées par d’autres chercheurs sur le travail que l’on a soi-même évalué. L’individu a ainsi la possibilité de comparer ses propres remarques à celles d’autres évaluateurs sur un même travail et de situer son travail. La valorisation du travail d’évaluateur peut également passer – outre les prix de « meilleur évaluateur » qui existent parfois – par l’abonnement gratuit à la revue pour laquelle on est évaluateur. Ce type de gratification matérielle ne peut à lui seul motiver un investissement important dans la pratique de l’évaluation mais montre au moins que la revue est consciente de la nécessité d’évaluations sérieuses. Un autre mécanisme –utilisé par exemple lors d’un atelier de recherche à l’IAE de Lille- est également de faire systématiquement de chaque auteur soumettant un travail de recherche, un évaluateur. L’idée étant de créer un contrôle de l’activité d’évaluation par ses pairs.
Des solutions existent donc pour donner à l’évaluation une place importante et surtout améliorer les pratiques. Partant de ces constats, l’AIMS a souhaité cette année mettre en place un atelier pour analyser la pratique de l’évaluation et permettre un échange d’expériences sur ce thème. Il s’agira de discuter de ce que peut être une bonne évaluation et de travailler sur des cas concrets de recherche à évaluer.
Modalités pratiques de l’atelier
L’atelier sur la pratique de l’évaluation se déroulera le 2 juin après-midi
à l’IAE de Grenoble et sera animé par Benoît Demil, professeur à
l’université Lille 1 (IAE de Lille) et un responsable de la Revue
Finance-Contrôle-Stratégie.
Les personnes désirant participer à cet atelier - qu’elles soient doctorants
ou docteurs - sont priées de se pré-inscrire avant le 24 mars auprès de
Benoît Demil (benoit.demil@iae.univ-lille1.fr).
Des travaux à évaluer seront ultérieurement envoyés aux participants afin de
servir de base à une analyse et à une discussion de l’évaluation pendant
l’atelier du 2 juin.
Fin de l’atelier :
La discussion se termine à 17h.
Les participants pourront rejoindre Grenoble Ecole de Management où débutera l’accueil pour la Conférence 2009.